
Julien Blanc-Gras est l’auteur de plusieurs livres, dont le succès de librairie « Touriste », un ouvrage à l’humour caustique qui embarque le lecteur aux quatre coins du globe. Cet écrivain voyageur sera l’invité d’honneur, ce mardi, des « Passions littéraires » de l’Institut Français du Qatar. Nous l’avons rencontré pour vous.
Parlez-nous un peu de vous ?
Je suis écrivain et journaliste. J’ai publié cinq ouvrages, dont quatre récits spécialisés dans la littérature de voyage : « Gringoland » est mon premier roman de voyage. Il se passe au Mexique, aux États-Unis, à Cuba et au Guatemala. Mon second roman, « Comment devenir un dieu vivant ? », est une comédie apocalyptique. Le troisième, « Touriste », est une succession de récits de voyage un peu partout dans le monde. Une traduction de ce titre sera publiée en Allemagne, en 2015. Le tout dernier roman s’intitule « Paradis (avant liquidation) ». J’ai également cosigné un livre, paru l’année dernière, intitulé « Géorama – Le tour du monde en 80 questions ». C’est un ouvrage illustré avec des questions sur la géographie et la géopolitique.
Je suis lauréat de la mission Stendhal, c’est ce qui m’a amené ici. Ce sont des bourses attribuées à des écrivains français pour résider à l’étranger et trouver l’inspiration. C’est une initiative de l’Institut Français, financée par le Ministère des Affaires étrangères. J’ai séjourné trois semaines au Qatar, j’entame ma dernière semaine. Les auteurs Lauréats font des interventions dans les Instituts et Alliance Française. J’ai fait trois interventions au Lycée Bonaparte, deux à l’Institut. La troisième est programmée mardi soir.
Dans votre dernier roman « Paradis (avant liquidation) », vous vous êtes rendu sur les îles Kiribati. Où se situent-elles ?
C’est un tout petit pays perdu au milieu de l’océan Pacifique. Ce sont des atolls qui ont la particularité d’être menacées par le changement climatique et la montée du niveau de la mer. J’avais lu un article dans un journal, expliquant que le gouvernement avait acheté une île aux Fidji voisines pour reloger sa population si le pays venait à disparaître. Pour moi, cela a été un déclic. Je voulais voir ce pays que peu de gens connaissent, un pays qui envisage sa propre disparition physique. J’ai voulu me documenter. J’ai passé un mois et demi sur ces îles, à l’autre bout du monde. Je suis revenu avec un livre qui est un portrait de ce pays sous fond de changement climatique et de fin d’un monde annoncé.
Quel est le devenir de ces îles ?
Elles ne vont pas disparaître du jour au lendemain, mais elles seront sans doute inhabitables dans quelques décennies, dans 10 ou 100 ans. Les scientifiques ne savent pas eux-mêmes ce qu’il va exactement se passer sur ces îles, mais une partie de la population a pris conscience du fait qu’elles vont disparaître. Je me suis surtout attaché à l’aspect humain, comprendre ce qu’il se passe dans la tête des gens.
Quelle est votre méthode d’investigation ?
Quand je vais quelque part, j’ai souvent un thème en tête. C’est un fil rouge qui va guider mes investigations. Après, c’est un mélange de préparation et d’improvisation. J’attends l’inattendu. J’espère être surpris par mes rencontres. Je me promène, je laisse du temps au temps pour découvrir les choses et rencontrer les gens, en espérant qu’il se passe quelque chose d’intéressant que j’aurai envie de raconter.
Il y a beaucoup d’humour dans vos livres, ce qui est atypique pour des récits de voyage. Comment expliquez-vous cela ?
Souvent la littérature de voyage est sérieuse. Mon style correspond à ma façon de voir le monde et d’envisager les choses. Je traite souvent mon sujet avec humour, avec une ironie bienveillante, sans me moquer. L’idée, c’est de ne pas manquer de respect aux gens, mais d’avoir un peu de recul sur ce que je vois.
Pour vous l’écriture est-elle militante ?
Je ne suis pas un écrivain engagé ou militant. Je suis un témoin de mon temps. Je ne suis pas un donneur de leçons. Néanmoins, quand j’écris un livre sur le changement climatique et sur un pays qui risque de disparaître, il y a forcément un message de protection de la planète. La prise de conscience existe chez nos gouvernants, après il faut qu’elle soit suivie d’actions concrètes.
Quels sont vos projets ?
Je vais écrire un livre sur mon passage ici. Je ne sais pas encore sous quelle forme. Je suis aussi en cours d’écriture d’un roman qui sera publié en 2015. Je travaille également sur l’adaptation de « Touriste » en BD qui sera éditée chez Delcourt. Je réalise l’adaptation du scénario et les illustrations sont faites par Mademoiselle Caroline, la célèbre illustratrice.
Vous êtes ici depuis près d’un mois. Quel regard portez-vous sur la région ?
On a toujours des idées préconçues sur ce que nous avons lu ou entendu. Les médias français parlent beaucoup du Qatar, c’est ce qui m’a amené ici. Ils abordent principalement des sujets liés à la diplomatie ou au monde des affaires. Pour ma part, je voulais en savoir plus sur les qataris. Je suis venu au Qatar pour parler du quotidien et de la culture. Ce qui frappe de prime abord, c’est que les qataris sont minoritaires dans leur pays. D’où le désir de conserver leur héritage culturel et leur tiraillement entre conservatisme et modernité. Je me suis également rendu à Dubaï, dans les Émirats et à Oman. Vu de France, on a l’impression que tous les pays du Golfe sont semblables. Force est de constater que tous ces pays sont très différents. Prendre le métro à Dubaï, c’est un peu voir la carte démographique du monde. Doha, quant à elle, est une ville en chantier. Rarement dans l’histoire de l’humanité un pays a opéré une révolution aussi rapide.
Pourquoi voyagez-vous ?
J’ai parcouru une soixantaine de pays. Ce qui m’intéresse, ce sont ces pays en pleine croissance qui, il y a vingt ans encore, étaient considérés comme des États du tiers monde et qui aujourd’hui atteignent, voire dépassent, le niveau de développement de l’occident. Toutes ces cités-États ─ Singapour, Doha, Dubaï ─, ces nouvelles places fortes du monde sont passionnantes à explorer. Hélas en France, la population ne se rend pas toujours compte de l’évolution en cours.
Propos recueillis par Patricia Gendrey
« Passions Littéraires » : rencontre avec Julien Blanc-Gras : Mardi 9 décembre – Institut Français du Qatar – 18h30 à 20h. Pour les informations pratiques, rendez-vous sur notre page Agenda.
©Guillaume Dimanche
Categories: Francophonie
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